Les animaux sculptés en grès émaillé de Valérie Courtet

L’invitation au toucher – Entretien avec Valérie Couret

C’est par le biais du regard et par le bout de doigts qu’il convient d’envisager les œuvres de l’artiste Valérie Courtet. Cette invitation au­­ toucher que nous propose la sculptrice animalière est empreinte d’une identité artistique résolument originale et novatrice. Ses créations, exposées dans nos boutiques, suscitent l’intérêt des visiteurs. Afin de mieux envisager la démarche de l’artiste qui se cache derrière chaque animal finement sculpté, nous vous proposons une rencontre avec Valérie Courtet.

 

Valérie Courtet et Jean-Luc Ferrand dans la galerie, entourés des animaux de l’artiste ! Crédit ©Marché Biron

 

Spécialisation animalière

C’est au cours de son enfance, alors que son père revient après trois ans des îles Kerguelen avec des clichés, que Valérie Courtet fait connaissance avec des animaux venus d’un autre hémisphère. Eléphants de mer et manchots empereurs de l’Antarctique la fascinent et deviennent l’incarnation d’un certain exotisme, synonyme d’un « ailleurs » onirique. Si le premier pan de sa vie est très éloigné du monde de l’art, après une carrière dans la communication et le marketing, la découverte fortuite de la poterie est survenue comme une révélation. Le modelage de la première pièce est arrivé dans la foulée, à la suite des premiers cours de poterie. Le désir d’un fini émaillé a suscité chez l’artiste une volonté de spécialisation technique. « Recouvrir mes animaux d’une peau de verre » tel était le désir de Valérie Courtet et c’est à Saint-Jean l’Aigle, dans la manufacture de Longwy, qu’elle s’est formée le temps d’un an.

Aujourd’hui reconnue comme sculptrice animalière, elle n’a pourtant pas toujours uniquement exploré ce sujet. En s’exerçant dans le modelage des bustes, l’artiste s’est sentie contrainte dans la représentation d’hommes de pouvoir, à l’aura puissante, souvent indissociables de leurs attributs et étoffes. En revanche, les animaux, dépourvus de tout ornement, étaient le reflet d’une certaine douceur que la sculptrice avait à cœur de représenter.

L’Orang-outan par Valérie Courtet

 

Le choix du grès et des émaux

Afin de rendre au mieux cette problématique de la douceur, le choix du grès comme matériau de prédilection ne fut pas anodin. En effet, c’est pour sa capacité de résistance et pour la place qu’il laisse aux repentirs que le grès a été choisi par l’artiste qui a vu en ce matériau une certaine indulgence puisqu’ « il pardonne toutes mes erreurs » confie-t-elle avec humilité. Le rendu si particulier de ses créations est dû à une première cuisson du biscuit à 980°C sur lequel un émail est appliqué et cuit à nouveau à 1280°C. En fabriquant ses propres émaux, Valérie Courtet entend proposer une lecture personnelle de la technique de l’émail tout en se laissant parfois surprendre par ses propres expériences. En effet, le rendu brillant invite au toucher et la couleur des émaux, qui apporte la vie aux sculptures, attise le regard.

Cette technique trouve son épanouissement sur des formes animales et plus particulièrement sur des animaux exotiques à l’image d’orangs-outans, hippopotames ou pélicans. Un florilège d’animaux qui nous sont peu familiers, suscitant la fascination, mais qui sont aussi le fruit d’une vision de l’exotisme à l’européenne. Pour illustrer cette vision, Valérie Courtet nous rappelle une anecdote au sujet d’une cliente chinoise ayant passé commande pour une sculpture représentant un cochon. L’artiste ayant pour habitude de représenter des cochons vietnamiens à la robe noire, reçut une commande pour un cochon rose, symbole d’un exotisme, mais asiatique cette fois-ci.

De poils et de plumes

hippopotame valérie courtet

L’Hippopotame, par Valérie Courtet

Le rendu et les formes tout en rondeur reflètent l’identité artistique de la sculptrice et traduisent sa « main qui enregistre naturellement les courbes » car, selon l’artiste, sa création est à l’image de la vie : «  La nature ne produit pas des lignes droites, la vie est sinueuse, jamais droite. ». L’artiste, dans cette même idée, refuse également une sculpture lisse. En prenant pour point de départ la réflexion du sculpteur Pompon, qui ne visait qu’à conserver l’indispensable, Valérie Courtet propose une vision opposée « Tout le monde aimerait glisser ses mains dans la crinière d’un lion ! ». Le lainage, le plumage, la fourrure sont des éléments essentiels et intrinsèques de l’animal auxquels l’artiste accorde une place toute particulière. Cette envie de glisser les mains dans quelque chose d’étranger se traduit d’une façon éloquente dans les sculptures puisque, comme Valérie Courtet le dit elle-même : « Tout le monde a envie de toucher mes sculptures ».

L’affectif est de fait une notion qui rentre en jeu dans la confrontation avec ces sculptures animalières. Souvent qualifiées « d’intelligentes » par les spectateurs ; l’allure, la posture et le regard sont des éléments qui priment aux yeux de l’artiste mais également aux yeux des spectateurs. La symbiose entre le regard de l’animal, fonctionnant comme un miroir pour l’homme, mais également le relief manifeste des œuvres, tout comme leur couleur, transcrit la ligne et la pensée artistique de Valérie Courtet.

À cette quête de la douceur dans le fini et dans les formes s’oppose une réflexion plus profonde de l’artiste qui voit dans ses œuvres un hommage à ces animaux en voie d’extinction. A l’instar des rhinocéros qu’elle se plaît à sculpter avec finesse et dextérité, une facette militante et désenchantée tend à s’exprimer. Dans cette faune qui est amenée à s’éteindre, l’expression profondément novatrice de Valérie Courtet nous invite au questionnement, à l’humilité et surtout à la douceur.